Tunisie, Egypte, Lybie, Yemen, ce qui caractérise ces pays arabes - en dehors du fait qu'ils partagent la même religion et la même langue - c'est la présence sur des décennies de dictateurs plus ou moins autoproclamés...
Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'ils sont peu concernés par nos sempiternels débats sur la retraite à 60 ou 65 ans, la plupart d'entre eux étant toujours aux manettes à un âge canonique!


En dehors de l'événement historique majeur que constitue ces révoltes de la rue arabe, on peut légitimement se demander ce qui a pu changer pour que ce qui semblait acceptable à tous hier et pendant des décennies, devienne tout d'un coup insupportable aujourd'hui ?
La première explication qui vient à l'esprit est évidemment que la principale différence entre hier et aujourd'hui, c'est la présence d'Internet et des réseaux sociaux type Facebook ou Twitter. Il est logique de penser que ce sont ces outils - impossibles à contrôler par une dictature - qui ont permis ces révolutions, en libérant la parole et en autorisant la circulation d'une information libre et non contrôlée par les médias d'état.
Etonnamment, ce n'est pas la bonne explication pour 59% des Français interrogés dans le cadre de notre baromètre mensuel BVA - Avanquest - Challenges - BFM (*), pour qui ces révolutions auraient parfaitement pu se produire sans l'existence d'Internet ! Encore plus étonnant, ce sont les moins de 25 ans - de toute évidence les plus connectés d'entre nous - qui sont les plus sceptiques avec 65% d'entre eux qui ne voient pas de corrélation directe entre Internet, Réseaux sociaux et révoltes de la rue arabe...
Faut-il faire confiance dans la réaction des Français - et particulièrement des jeunes français - et chercher ailleurs une explication à ces révoltes ? J'entrevois deux pistes de réflexion :
* Bien avant les réseaux sociaux, phénomène récent, et même bien avant la généralisation d'Internet, la télévision par satellite est devenue un standard dans les pays en développement. La présence systématique de paraboles sur les toits des maisons des pays les plus pauvres - depuis les favelas de Rio jusqu'aux faubourgs du Caire - est une évidence partagée par tous ceux qui ont eu l'occasion de parcourir le monde... C'est donc avant tout par la télévision que les masses des pays déshérités ont pu constater que le mode de vie qui leur était imposé, et que l'absence de liberté et de démocratie n'était pas la norme des pays occidentaux. Cela a du, et c'est normal, provoquer des frustrations terribles pour les jeunes générations vivant dans le dénuement et confinées dans un univers fermé...

* D'autre part, le taux de natalité dans les pays du moyen orient et du Maghreb est bien plus important que celui des pays occidentaux. Le pourcentage de la population ayant moins de 25 ans est considérable, et ces jeunes qui voient leur avenir bouché par l'absence de travail et de liberté ne peuvent que vivre dans la frustration, surtout lorsqu'ils sont exposés aux images de consommation effrenée et de confort véhiculées par les médias européens et américains (qu'il s'agisse des séries télévisées ou des journaux d'information).
Bref, il n'est pas certain qu'Internet et les réseaux sociaux aient été indispensables aux mouvements de révolte constatés aujourd'hui. Peut-être que la frustration extrême d'une population majoritairement jeune - et exposée depuis leur enfance aux images télévisées venues des pays riches - a suffit pour créer les conditions de l'effet domino qui viens de secouer les dictatures arabes !
Ceci dit, il reste évident que la présence d'Internet et la généralisation des téléphones mobiles ont permis à ces révoltes de s'organiser et aux gens de communiquer en temps réel entre eux malgré la censure des médias, ce qui a constitué un élément déterminant dans l'efficacité des manifestations et dans la chute probable des dictateurs malgré l'usage de la force...

L'embrasement logique d'une jeunesse lassée de vivre dans des conditions difficiles et privée de libertés démocratique s'appuie certainement sur Internet et les nouvelles technologies, mais il ne faut pas confondre ici la cause et les moyens. Ces révoltes de la rue arabe auraient certainement eu lieu sans ces outils de communication, la différence, c'est peut-être qu'elles n'auraient pas pu réussir !
(*) Sondage BVA - Avanquest - Challenges - BFM du 10 Mars 2011: La question Nouvelles Technologies du mois - Mars 2011.pdf
Crédit photos:
Ben Ali, Addullah, Kadhafi, Moubarak (c) Malibre.be
Forêt de paraboles (c) cowaddict.com
Révolte de la jeunesse (c) terredislam.bloguez.com

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9Mar2011